Ameno…ameno, dorime…
Samedi 25.10, l’après-midi est consacrée au repos et aux derniers préparatifs. Check liste du matériel, tels des guerriers préparant la croisade du lendemain on révise l’équipement.
Templiers : guerriers d’élites dévoués à la protection des pèlerins…Quelle noblesse !
Et nous !?...Serons-nous à la hauteur ? ….on a le fond, et une grosse prépa quasi militaire concoctée par le Commandeur Patator. Nous sommes programmés, alors la question ne se pose plus…on y est !
3h15 dimanche matin, SMS pour Flo (pour être sûr de ne pas rater le réveil) : « Templiers ! aux armes… » Réponse « ok »
Il fait 7°C quand à 5h15 le départ est donné,…Chant.Ameno…ameno, dorime… accompagne les 2452 Traileurs qui s’élancent sous les fumigènes rouges vifs aveuglants…MiniGirl et son Américain, Nathalie ses couettes et moi passons l’arche de départ, derrière nous les fermeurs se tiennent a 50 mètres. Ils nous talonnent sur les 2,5 km de route avant une première cote, et là, stop net, bouchon…Nath se faufile tant bien que mal, je la suit, on perd MG et l’Amerloc…puis on entame le premier d+ : 450mètres sur 2,5 km, la montée sur le plateau se réalise par une piste large mais très pentue, les premières gouttes de sueurs perles.
Puis on chemine sur le causse, le jour lève à l'horizon par de belles ouvertures forestières. Il y a environ 10 kil vallonnés, ça roule assez bien, beaucoup en profitent pour « envoyer » : ceux que nous avions doublés au bouchon et dans la cote, stratégie personnelle. Moi je m’interroge, putain de mollet, jusqu’ou ?, jusqu’à quand ?…n’y pense plus, avance. Je ne demande rien à Nath, je vois bien qu’elle n’a pas encore trouvée son rythme, elle ne transpire même pas ! Première vraie descente, première section en monotrace, on « décroche » des 825 mètres pour finir a 410, en 3kil, et arriver a Peyreleau, le premier ravito. Seb nous attends et surprise, il y a aussi un ami (le pote local de Jean Marc), Francois sa femme et son fils, nous encouragent et questionnent « ça va Bruno ? »…mon regard suffit a lui faire comprendre que cela va être compliqué…Le couple MG/L’Américain sont tranquillement à 5 minutes derrière. Après avoir grignoté rapidement sur ce ravito fourni, nous repartons, laissant derrière nous environs 80 coureurs, j’en suis encore étonné. Avant la cote nous faisons la photo pour 3 joyeux compères Nantais. Ambiance conviviale, sourires et bon humeur, on échange quelques plaisanteries et mémorisons nos numéros de dossards pour se recontacter ultérieurement. C’est « ça » aussi le Trail. Tout de suite il faut donc remonter à 860 mètres, Nathalie gère : « bon c’est bien on a pile 30 minutes d’avance sur la barrière horaire, il faut les garder …», moi j’analyse et me dis que c’est très confortable, et trouve zen, sécurisant de repartir avec cette avance…(erreur)…Prochaine étape : ST André de Vézines au 31ème , on y arrive en ayant conservé 28 minutes sur la barrière et laissant 129 concurrents derrières (y a déjà de la casse), malgré un fort ralentissement dans la cote. Physiquement je me sens bien, j’ai dû produire quelques litres d’endorphine. Plus de ressenti désagréable, on crapahute depuis plus de 5h10. La température est idéale, un doux soleil illumine des vues magnifiques…nous avons le plaisir de retrouver notre « assistance » étoffée par Thierry et sa femme (Valérie aura durant ces 3 jours, semblait se prendre au jeu, son enthousiasme et sa bonne humeur séduisant chacun). C’est précisément à ce moment de l’épreuve que je me sens le mieux, pas de stress, pas de pression, pas de douleurs…nous pénétrons alors dans l’ère de ravito et retrouvons, notre Mini Girl et l’Américain arrivés 2 minutes avant. Ce ravito est un vrai festin pour Traileurs, salé/sucré, choix/quantité et l’accueil toujours aussi sympa….moi dans un état « planant » commence manger sans retenu (3 fois de la soupe) et vais même à m’installer sur une chaise…(t’as raison profites maintenant parce que…) Ici nous prenons 8 minutes, et c’est trop, beaucoup trop, heureusement Nath me pousse en dehors du sas ravito que je quitte avec un dernier bol de soupe à la main…( ! )…elle a un air inquiet que je ne comprends pas trop sur le moment. Notre prochaine destination est Pierrefiche 14 klm plus loin, je commence a regarder le chrono et faire quelques calculs, le parcours a venir devient plus compliqué, Nathalie se met alors en mode « tracteur » faisant moins de séquences de marche, bon ok je m’adapte, mais bon…Le soleil est de la partie, c’est agréable mais attention. Nous nous surveillons mutuellement : t’as bu, t’as pris un gel….etc....mais jamais un « ça va » la question ne se pose pas. On plonge alors vers le sud avec passage dans des lieux emblématiques comme Roques Altes, les falaises du Rajol avant de rejoindre la Roque Ste Marguerite, une section nerveuse qui ne manque pas de surprises. On admire les belles ruelles de la Roque Ste Marguerite et on attaque alors la remontée sur le Larzac pour Pierrefiche. Nos coéquipiers arrivent 5 minutes avant nous, jusqu’à présent nous nous suivons a peu près. Le temps de grignoter rapidement, nous repartons de Pierrefiche sans avance sur la barrière horaire ! (Aujourd’hui en regardant les données on s’aperçoit qu’à ce moment de la course notre position est 2202ème soit 250 de moins !!!) Nous n’avons plus droit à l’erreur : le visage de Nath l’exprime bien. La pression monte, le ressenti physique aussi, la difficulté aussi, il nous faut parcourir les 18 klm jusqu’à Massebiau en moins de 3h00. Jouable ! Sauf que là tu ne joues pas à domicile, les difficultés s’enchainent sans répit. Passages étroits, corniches, et les premiers symptômes de fatigues apparaissent, je bute trop souvent sur des cailloux ou racines. Je me ressaisi, me reconcentre et m’accroche…m’accroche à mon « maitre au homme » : Nath, qui donne le pas tout en pondérant l’allure la plus rationnelle possible, et malgré cela : « on ne passera pas …va nous manquer du temps !!! » …….. « tu auras déjà battu ton record de temps et distance, c’est bien… » je sens bien le ton déçu. Mais bon on ne lâche rien, nous sommes avec 6 autres coureurs quand l’un d’eux explique que le directeur de course peut accorder 15 minutes de plus a cause des bouchons du départ ou du nombre d’abandon…une lueur d’espoir nous ravive, on ne lâche rien. On ne lâche rien. Quand soudain au 56ème déconcentré je bute contre un caillou, je trébuche faisant un écart pour ne pas tomber…la douleur est violente je cris…l’ischio droit est touché. Je suis stoppé, je ne peu même plus marcher, affalé sur mes deux bâtons je demande a Nathalie de continuer sans plus s’occuper de moi et d’essayer de passer la dernière barrière éliminatoire a Massebiau. Je lis ça déception sur son visage. Indescriptible. Je vois disparaitre ses nattes… Un des gars du groupe suiveur me pose la main sur l’épaule en passant, je ressens bien toute sa compassion, peut-être de la pitié, en y repensant cela m’émeut. C’est « ça » aussi le Trail. J’avale un doliprane, j’attends un peu et tente de marcher au moyen des bâtons, je modifie mon attitude, je fais des petits pas, ….je me met à me parler (!) et je retrouve une petite foulée en 10 minutes….ayant perdu beaucoup de temps j’imagine être hors délai, sans pourtant vouloir y croire. « Avant cette merde je n’étais pas si mal, c’était jouable…on avait nos chances…aller je m’accroche, vas, vas… » je retrouve un rythme, pas si mal même, je me met dans le rouge, on verra bien, de toute façon... Plus loin : « aller Bruno vas-y tu peux encore passer, vas-y envoie, tu peux !!! ils ont rallongés la barrière, dépêches ! » c’est Francois qui me crie dessus, il est venu a la rencontre des Pom pour essayer de nous sauver. Je lève le nez et aperçoit les couettes, je passerais 7 minutes avant la fermeture presque en même temps que Nath. L’Américain, lui, attends depuis déjà 30 minutes, il nous manque notre MiniGirl. Elle passe in extremis avant la fermeture, après avoir pioché fort, très fort, sous nos encouragements, l’a poussant au bout d’elle-même. La barrière se ferme derrière elle, laissant les autres arrivants sur le carreau, nous voyons des traits tirés, pour d’autres des larmes…Les 4 Pom se retrouvent donc réunis pour affronter les 12 derniers, les 12 plus difficiles…L’épisode précédent nous aura marqué, a tout les niveaux, et restera gravé pour longtemps.
Il est 17h00 passé, il nous faut aller voir cette fameuse grotte du Hibou. Et d’abord commencer par une d+ de 480 ! Nathalie redoutant la dernière descente (séquelle de 2012) part un peu avant. Je commence alors une croisade solitaire, doublant régulièrement des concurrents en manque de souffle ou épuisés, très vite il fait nuit et le froid revient. Je retrouve à la ferme du Cade « l’assistance », la précieuse assistance ! Petite restauration et je repars, occultant volontairement de mon esprit l’idée que la fin est proche. C’est pas fini, c’est loin d’être fini, il faut rester concentrer, et puis on sait jamais, en tout cas je ne risque plus de trébucher : je lève les pieds jusqu’aux coudes. Le périple dure depuis 14 heures, après une belle descente, je me retrouve seul sur une monotrace, la frontale puissance maxi, mon bâton de gauche me rappel par trois fois que de ce coté là, c’est le vide. Concentration, écart interdit ! Je me permets un stop de 20 seconde mettant le coude droit sur la paroi, j’éteins la frontale pour mieux admirer le tableau : Millau by night avec le viaduc. Extraordinaire ! Je ne regrette pas cet intermède. Puis un groupe de 7 coureurs me rattrape, nous progressons lentement sur un sentier étroit, difficulté oblige et bien sûr, la fatigue pèse, il n’y a pas un mot jusqu’au moment ou, le premier : « oh non pas ça…. »…une cote, non plutôt une falaise à gravir. Nous commençons « l’ascension », quelques minutes après, alors que je lève la tête, je vois LE DESSOUS des chaussures du coureur que je suit (pour moi c’est la première fois en course). Puis très vite le groupe éclate, et je me retrouve a nouveau seul, quand soudain je suis face a des bloques de rocher énormes, je cherche la trace a la frontale, en vain….et comprends qu’il faut escalader a main pour continuer la progression ! L’Américain et sa MiniGirl sont loin devant, Nathalie encore plus, je commence alors la dernière descente. Depuis plusieurs kil je ressens tous les muscles des jambes, constamment limites crampes. Rapidement je rejoins MG dans cette descente TERRIBLE, heureusement qu’il ne pleut pas, je pense a Nath qui redoutait cette portion plus que tout. Cette descente l’avait carrément traumatisée ! « Sûr qu’elle doit l’avoir mieux vécu aujourd’hui ». MiniGirl n’aime pas les descentes de ce type. MiniGirl souffre. Plusieurs fois elle dérape sur les fesses. L’Amerloc reste devant elle, moi derrière sans pouvoir rien faire. Je tente de lui donner un conseil ou deux. C’est facile pour personne, t’en a plein les bottes, à certains endroits tu voudrais un parachute pour soulager tes cuisses. A mi pente, je passe le couple estimant que le plus dur est fait. Je fini lentement, doublant malgré tout un a un, trois concurrents. Les bruits et la lumière de l’arrivée se font plus forts, je commence à y croire seulement dans le dernier kilo. Puis l’arrivée, je passe sous l’arche. 15h29 de course. L’Américain et MiniGirl arrivent, je suis très heureux pour eux. Je retrouve Nath. Le passage de la ligne n’est pas une délivrance. Un soulagement, de la joie…..mais... Mais quoi ? Trop d’endorphines ?...de pression ? Sais pas. L’impression qu’il manque quelques chose.
Quel WE !!!!!!!!!!!! Les Pom auront fait carton plein. KillianSeb en grand héro, nous quatre rescapés des barrières horaires : FINISHERS ! Pas de blessé et surtout, surtout une effervescence EXTRAORDINAIRE sur les trois jours.
Depuis la course Endurance de KillianSeb du vendredi, jusqu'à notre arrivée du dimanche soir, SMS, appels, mail, suivis depuis sur LIVENET …Assistance sur place…..toute la Section en effervescence autour de nous ! De grands moments importants, ayant contribués aux résultats de chacun, des soutiens capitaux dans notre réussite. Le témoignage d’une Section riche de valeurs humaines, humble et forte à la fois….une expérience intense pour nous, réalisée grâce au soutient de tous. Merci.
Chant .Ameno…ameno, dorime…